Portrait : Claude Moreaux, l’architecture d’un peintre

Au départ : l’Ecole Boule.

C’est la très célèbre et très cotée Ecole Boulle qui offre à Claude Moreaux, dans les années 1970, une formation d’élite et un diplôme d’architecte d’intérieur. Près de 40 ans plus tard, il partage sa vie professionnelle et celle d’artiste peintre entre Paris et Louroux-de-Beaune.

« J’ai débuté comme dessinateur en architecture intérieure dans l’agence Formes et Fonctions dirigée par Bernard GRENOT, puis comme designer chef de studio au bureau d’études de J.P. VITRAC, explique Claude Moreaux. Ensuite, en qualité de directeur artistique de la sté ELEUSIS, regroupant graphisme, design et architecture intérieure, je travaillais pour des clients renommés principalement dans les domaines de la cosmétique et des laboratoires pharmaceutiques comme Chanel, Roger et Gallet et Vichy. Je me souviens par exemple avoir conçu des emballages pour Colgate. » En 1984, il se lance seul en ouvrant son bureau parisien d’architecture intérieure. Particuliers et entreprises lui confient de gros chantiers. De la rénovation d’appartements pour personnes aisées à l’agencement de bureaux pour grandes entreprises, le travail abonde. « Des périodes fastes pour ce genre d’activités, reconnaît-il ! » Jusqu’à la crise économique des années 1990. Les clients, même les plus importants, fondent alors comme neige au soleil. « Comme toujours dans ce cas là, comme aujourd’hui d’ailleurs, l’immobilier et toutes les activités qui s’y rattachent ont été les premiers touchés. Je n’ai pas échappé à la règle, se souvient Claude Moreaux. » Il faut alors réagir, trouver d’autres voies, de nouveaux marchés, une autre route à la vie. Quelques attaches en Bourbonnais, une maison de famille à restaurer à Louroux-de-Beaune lui en donneront l’occasion.

Le Bourbonnais comme terre d’accueil

Parisien sans doute un peu « parisianiste », Claude Moreaux découvre alors un monde qui lui est jusqu’à présent méconnu et réalise que la France dite profonde regorge de trésors. « Dès la première fois, j’ai été séduit par les paysages, la nature, par le calme et la sérénité qui s’en dégageaient, avoue-t-il. Puis j’ai découvert un patrimoine architectural riche et des gens vrais. » Au fil du temps passé ici, des amitiés naissent –« qui durent encore aujourd’hui. », un réseau se crée. Claude Moreaux rénove, dans les règles de l’art et le respect des traditions alliées aux techniques modernes, ses premières maisons. Le travail séduit, le bouche à oreille fera le reste. Aujourd’hui encore, l’homme apporte ses compétences et son talent sur des chantiers qu’il suit dans la région.

La peinture comme dérivatif

Parallèlement, toujours dans le courant des années 1990, Claude Moreaux complète son travail sur la planche à dessin avec le pinceau sur la toile et s’évade, quand il en a le temps, dans la peinture. « J’avais un peu perdu confiance en moi à l’époque. La peinture a été pour moi une manière de me prouver quelque chose. Au départ, c’était un acte très personnel, un dérivatif mais qui était aussi une sorte d’exercice par rapport à ma profession. Il n’était pas question de montrer mes toiles ! Mes premiers tableaux, inspirés par le travail d’un ami, représentaient des paysages plutôt surréalistes qui oscillaient entre matières construites et à construire. Finalement, tout ça a plu. Des gens, à commencer par l’entourage, ont commencé à s’intéresser à mon travail. Puis une galerie m’a proposé une exposition permanente. Alors, j’ai poursuivi mes recherches picturales. » Séduit par l’œuvre de Tapiès, Poliakov ou Soulages, Claude Moreaux évolue. De paysages, il passe à une autre dimension, se recentre sur l’essentiel, se donne une ligne directrice et se met, en quelque sorte, à travailler la pierre. Mais au sens noble et philosophique du terme. « Mes toiles semblent représenter des amoncellements de roches, des cubes de pierre, des fragments de falaises. Pour moi, elles évoquent le Chaos et l’ordre, le passage d’un état de confusion générale de la matière avant la création du Monde vers un ordre toujours à réaliser mais toujours remis en cause. Le mot « chaos » n’a rien de péjoratif dans mon propos. Bien au contraire. Rien n’est jamais fini ni abouti. Tout reste à construire en permanence. Le rôle de l’homme est d’essayer de poursuivre cette tâche. En cela, j’essaie de montrer à travers mon travail l’influence de l’homme sur la nature dans l’espoir d’un monde plus harmonieux. » D’ailleurs, la blancheur minérale des toiles de l’artiste ne serait-elle pas symbole de pureté ?

Aujourd’hui, Claude Moreaux partage son temps et ses passions entre la capitale et le Bourbonnais.

Là-bas, il poursuit sa vie citadine ; ici, même si ses activités professionnelles s’y développent, il se ressource, prend le temps de lire – « C’est assez éclectique. Cela va des grands classiques de la littérature française à des essais de philosophie et de sociologie. »-, s’adonne à son hobby de collectionneur d’outils anciens – « toujours ce rapport à hier, à la protection du patrimoine qui me tient à cœur. »-. Lui, le parisien « pure souche », s’enracine à chaque séjour, un peu plus dans notre proche campagne. Bienvenue donc !

Article publié en 2008 sur le bulletin de la CCI de Montluçon.